& Qualités, défauts, c’est un peu subjectif tout ça pour toi. Qu’est-ce que tu peux voir en toi comme une qualité ? Surement le fait d’être souriant ? D’être joyeux la plupart du temps, même quand au fond t’es détruit et que t’as l’impression que rien ne va plus autour de toi. Peut-être le fait de ne jamais faire profil bas, de toujours répliquer quand on te provoque, d’être franc. Encore que, ton côté bagarreur, impulsif, on peut facilement te coller ça comme un défaut. C’est mal de se battre. Mais comme t’es un bon élève, on t’en veut pas trop. Persévérant. C’est surement ce qui te qualifie le plus. Tu bosses, tu bosses, tu te démènes pour prouver à ta mère que t’es capable de réussir, que t’as un avenir. Même si ton rêve c’est la danse, tu veux briller. Ambitieux. Naïf peut-être un peu. On peut pas te le reprocher, t’es encore qu’un gosse malgré ta grande taille. Un gosse qui a perdu une partie de son âme alors qu’il était en pleine transition, alors qu’il découvrait le monde. Mais malgré tout ce qui t’es arrivé, t’es positif dans tout ce que tu fais. Positif et toujours en train de vivre à dix mille à l’heure, comme si demain ne viendrait pas. Parce que ta sœur est partie trop tôt, qu’elle a pas eu le temps de profiter alors tu profites pour deux, pour trois, pour dix. Toujours en train de bouger, sportif. Mais malgré ton sourire, malgré ta sociabilité, ton ouverture au monde, jamais au grand jamais tu n’évoques ta famille sans te renfermer sur toi-même. C’est un sujet que tu n’abordes jamais, c’est tabou. Personne n’en saura plus que ce que le monde sait déjà.

Tu regardes rarement la télévision, tu passes trop de temps à courir, te dépenser en fait. T’aimes trop la vie en plein air pour t’abrutir devant un écran. Mais le peu de fois où tu regardes, tu trouves toujours une chaine qui parle de danse, parce que c’est ta passion la danse. Et t’aimerais tenter une émission ? Peut-être. En tout cas, tu voudrais un truc où il faut bouger. Parce que rester assis pendant des heures, c’est vraiment un truc qui t’insupportes. Peut-être running man du coup. Mais bon, t’y as jamais vraiment réfléchi en fait.

Divertir le public ? Faudrait déjà que t’en ai un de public non ? Néanmoins, t’es presque prêt à tout pour divertir. Du moment qu’on ne te demande pas de te mettre nu ou de faire des choses contraires à tes principes. Le ridicule, t’en as pas peur, enfin, pas vraiment. Puis, on sait tous qu’à la télévision, tout est surjoué, que c’est truqué, que ça ne correspond pas à la réalité ni même à la personne, n’est-ce pas ?

Tu t’en souviens très bien de cette réaction. Ta mère, elle a rigolé. Toi. Arès. À l’université de Jeju. C’était bien trop ambitieux pour ton niveau médiocre. C’était au début de ta scolarité au lycée. Et le fait qu’elle rigole de ton ambition ne t’a donné que plus envie de réussir à t’améliorer pour intégrer l’université. T’as bossé d’arrache-pied durant toutes les grandes vacances avec ton pote, l’intello de la classe, et à la rentrée, ça avait payé. T’étais plus le dernier, t’étais au milieu, moyen. Et t’as continué, t’as bossé, encore et encore et lors de ta dernière année, t’as réussi, t’étais dans les dix meilleurs, les dix premiers de ton école. Ta mère n’en croyait pas ses yeux quand elle a vu ton relevé de note. Et toi, t’as décollé pour Jeju.

 L’évènement le plus marquant de ta vie. Celui qui t’as le plus marqué, choqué, blessé même. C’est surement le décès d’Artémis, ta jumelle. C’était il y a cinq ans bientôt. Vous jouiez au bord d’un lac. Maman avait dit de ne pas trop s’éloigner vers l’eau, de ne surtout pas se pencher au-dessus. Mais Artémis c’était une casse-cou, elle était courageuse, elle. Alors du haut de son mètre cinquante, elle a décidé de s’approcher du bord, contrairement à ce que maman avait dit. Toi, personne ne t’as jamais appris à nager. Alors pourquoi est-ce qu’Artémis saurait nager ? Elle ne sait pas, elle a même peur de l’eau en fait. Mais elle voulait t’impressionner, parce que c’est ta grande sœur, même si vous êtes jumeaux. Parce qu’elle fait quelques centimètres de plus que toi, que c’est une fille et que toi, t’obéis à maman, tu veux pas approcher. Alors elle marche vers le bord du lac, elle se retourne et te fais coucou, le sourire aux lèvres. Mais elle fait également un faux pas. Et elle a glissé dans l’eau. T’as accouru bien sûr, t’as hurlé évidemment, mais le temps que maman n’arrive et ne comprenne que son bébé chéri était tombé à l’eau, Artémis avait déjà coulé sous ses vêtements trop pleins d’eau. Et même si maman a sauté dans l’eau pour secourir son bébé, Artémis ne respirait plus. Et même si les secours ont tout fait pour lui redonner du souffle, Artémis ne répondait plus. Artémis était partie, pour toujours. Elle avait rejoint papa, mort depuis longtemps. Elle vivra heureuse qu’avait dit maman. Mais toi, tu vis malheureux maintenant. Parce que perdre ta sœur, ta jumelle, ton âme sœur, ça t’a enlevé une partie de ton être. T’as changé, t’es devenu un garçon différent. T’as récupéré l’effronterie qui habitait ta sœur, son courage, sa bravoure, sa force, sa stupidité aussi. T’as arrêté d’être le bon élève, d’être le petit sage. Tu te battais, tu tapais, comme pour honorer ce prénom qu’est le tien, Arès, dieu de la guerre. Artémis. Elle te manque, toujours, constamment, fortement. Elle est toujours là, dans ta tête, dans ton cœur, dans ton âme. Elle te suit, partout, chaque jour, à chaque instant. Pas une seule journée ne passe sans que tu ne penses à elle. Et chaque fois qu’on te demande si tu as des frères ou des sœurs, ton cœur se serre. Et même si t’as grandi depuis, même si t’as encore changé, que t’as retrouvé le gamin que t’étais quand Artémis était encore là, son âme de grande gueule qu’elle avait déjà à douze ans t’habite encore. Comme un hommage pour elle que ton âme lui fait.